mardi 22 mai 2012

Carré rouge

Ce blog prend toujours la pousière, mais je la chasse aujourd'hui pour parler de choses un peu sérieuses.

En ce moment et depuis Février dernier au Québec, les étudiants sont en grève.
Pourquoi ? Parce que le gouvernement veut augmenter les frais de scolarité de 75% sur 5 ans.

Je ne suis pas spécialiste en économie, je ne prétends pas avoir toutes les clefs de compréhension sociale en main, mais le fait est que cette augmentation est assez brutale en soit.

J'ai vécu 7 ans au Québec, dont 3 ans durant lesquels j'étais étudiante à l'Ecole Multidisciplinaire de l'Image, la branche dédié aux arts graphiques et à la BD au sein de l'Université du Québec en Outaouais.
Autant dire que j'ai non seulement fréquenté des étudiants mais été l'une d'entre eux.
En 2004, pendant ma première année à l'EMI, une grève étudiante avait été déclenchée pour faire opposition à Jean Charest qui souhaitait alors privilégier les prêts étudiants aux bourses. Autant dire encourager l'endettement national.

Aujourd'hui, c'est encore Jean Charest et son gouvernement qui sont à l'origine de cette motion de hausse de frais. Les étudiants luttent encore une fois, plus contre l'endettement qu'une telle hausse engendrerait que contre la hausse elle-même.
Et l'endettement, il y en a. Je ne connais pas les chiffres, je n'ai que la réponse de Wikipédia à ce sujet :

"En regard de la capacité théorique de payer des étudiants québécois et de leur parents, 40 % ne reçoivent aucune aide financière de leurs parents et les deux tiers n'habitent plus chez eux : 80 % travaillent et étudient à temps plein. La moitié des étudiants vit avec 12 200 $ par année (le seuil de pauvreté pour une personne seule en 2010 étant de 16 320 $52). Statistique Canada a établi que s'endetter pour étudier a des conséquences à long terme et que l'augmentation de plus de 200 % des droits de scolarité entre 1995 et 2005 a fait passer de 49 % à 57 % la proportion des étudiants qui s'endettent pour étudier53. Les frais de scolarité représentent plus d’heures de travail en 2012 que par le passé54,55.
La hausse des droits de scolarité et des taux d'endettement suscitent également la crainte d'une « crise nationale56 », d'une « bulle spéculative » uniquement profitable aux institutions bancaires assurant la gestion des prêts gouvernementaux. L'endettement étudiant est comparé par des observateurs américains à l'endettement des ménages avant l'éclatement de la bulle immobilière57. Selon une étude de la Fédération étudiante universitaire du Québec publiée l'automne dernier, 65 % des étudiants québécois terminent leur baccalauréat avec des dettes, qui s'élèvent en moyenne à 14 000 $58. Les étudiants québécois demeurent tout de même moins endettés que la moyenne canadienne."
Je ne sais pas si ces chiffres sont exacts, mais je peux vous dire que du temps où j'étais à l'Université, la plupart  de mes ami(e)s avaient un travail pour pouvoir payer leurs loyers et leurs études (seuls les étudiants étrangers avait le loisir de ne pas travailler, puisque tout est moins cher au Canada comparé à ailleurs...) dont  une de mes colocataire. Je n'avais, il me semble, que 2 personnes dans ma classe qui venaient de la région et donc pouvaient vivre chez leurs parents.
Et un de mes amis, qui a gradué un an avant moi, vient juste cette année de finir de rembourser ses dettes d'études.
Alors oui, je comprends la peur que peut susciter une telle réforme quand on vous l'annonce.

Mais ce qui me fait hurler, c'est de voir ces gens qui manifestent sagement se faire molester et violenter par les forces de polices.
J'ai fais la grève en 2004. Et quand je dis que j'ai fais la grève, je veux dire que je ne suis pas allée en cours. Je suis allée aux assemblées, je suis allée manifester devant le Pavillon Taché avec des pancartes. Et voilà comment on manifestait :
Nous, les étudiants, nous mettions sur le trottoir en agitant nos pancartes. Les automobilistes nous klaxonnaient pour encourager notre mouvement, et les gens de l'association étudiante avaient fait préparer un stand hotdog à volonté. Alors les mouvements violents des étudiants, je ris, quoi...

Mais bon, admettons, ça dure depuis Février, peut-être que ça a dérapé. Y'aura toujours des abrutis pour foutre en l'air une organisation et un principe civilisés...

Mais bon, TOUT LE MONDE ? Je ne crois pas. Mais peu importe.

Là où tout devient honteux, c'est quand le gouvernement Charest décide d'agir. Après avoir refusé de rencontrer les représentants étudiants, après avoir fait la sourde oreille, le gouvernement Charest décide de mettre fin à la protestation de gré ou de force.
Il instaure la Loi 78.

Mais qu'est-ce que la Loi 78 ? Et bien, en gros :

"« Une personne, un organisme ou un groupement qui organise une manifestation de 50 personnes ou plus qui se tiendra dans un lieu accessible au public doit, au moins huit heures avant le début de celle-ci, fournir par écrit au corps de police desservant le territoire où la manifestation aura lieu les renseignements suivants :
1- la date, l'heure, la durée, le lieu ainsi que, le cas échéant, l'itinéraire de la manifestation;
2- les moyens de transport utilisés à cette fin.
Lorsqu'il juge que le lieu ou l'itinéraire projeté comporte des risques graves pour la sécurité publique, le corps de police desservant la territoire où la manifestation doit avoir lieu peut, avant sa tenue, exiger un changement de lieu ou la modification de l'itinéraire projeté afin de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique. L'organisateur doit alors soumettre au corps de police, dans le délai convenu avec celui-ci, le nouveau lieu ou le nouvel itinéraire et en aviser les participants. »
— article 16, Loi 78"
Et encore, au projet de loi, c'était à partir de 10 personnes.

Alors je sais qu'en France, ce type de réglementation est en validité. Mais en France, on est pas limité en nombre. Cette loi vise UNIQUEMENT à empêcher des grands rassemblements étudiants. Ceux qui donnent de la crédibilité à la cause.
Et aujourd'hui, tous les étudiants, les professeurs, les gens qui soutiennent ce mouvement sont en train d'en appeler à  la désobéissance civique. Oui, on est à ce point, là-bas.

C'est même au point que le port du carré rouge serait considéré comme illégal.
Vous ne connaissez pas le carré rouge ?

"Le symbole de la lutte étudiante est un carré de tissu rouge, d’environ cinq centimètres de côté, porté sur les vêtements. Issu d’un mouvement contre la pauvreté: "Pour un Québec sans pauvreté", le carré rouge a été adopté par la Coalition de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante élargiecomme symbole officiel de la grève lors de leur premier congrès en grève. Le symbole dépassa largement les rangs de la CASSÉÉ, et se répandit même à l’extérieur du mouvement étudiant pour signifier l’appui à la lutte. Ainsi, plusieurs députés soutenant la lutte, et même le chef de l'Opposition officielle, en vinrent jusqu'à le porter à l'Assemblée nationale, à Québec. Ce symbole existait 6 mois auparavant comme symbole du front des assistés sociaux."

A New York, les étudiants ont fait une marche en portant du rouge pour manifester leur soutient aujourd'hui.
A quand Paris ?

Moi, je n'ai pas de carré rouge. Mais je le porte par la pensée, en attendant de pouvoir marcher dans les rues !
LÂCHEZ PAS QUEBEC !